Mohammed BOUZLAFA: une lecture savante des mutations juridiques et institutionnelles du Maroc sous le règne Mohammed VI

Hicham TOUATI
À l’occasion du 26e anniversaire de l’intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, une conférence scientifique d’exception s’est tenue à la salle de la jeunesse Al Qods à Fès, réunissant un parterre de professeurs éminents et de chercheurs chevronnés, pour réfléchir à la portée historique, politique, juridique et sociale des réformes initiées par le souverain depuis son accession au trône en 1999. Cette initiative, portée conjointement par l’Observatoire universitaire pluridisciplinaire, la Fondation Allal El Fassi et le Laboratoire d’études juridiques et politiques de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Fès, illustre de manière éclatante le rôle pivot de l’université marocaine en tant qu’acteur intellectuel ancré dans son environnement.
Parmi les interventions qui ont marqué cette rencontre, celle du professeur Mohammed BOUZLAFA, doyen de la FSJES de Fès, s’est imposée par sa rigueur méthodologique, sa profondeur analytique et sa capacité à restituer les grandes lignes de la trajectoire réformatrice du Royaume. En retraçant les étapes clés de cette dynamique, il a mis en lumière une mutation structurelle du champ juridique et institutionnel marocain, amorcée dès le discours royal du 12 octobre 1999, où le Souverain a posé les fondements du « nouveau concept de l’autorité », rupture sémantique et politique majeure avec les pratiques héritées, et véritable signal d’un changement de paradigme dans la gouvernance.
Pour le professeur BOUZLAFA, ce discours inaugural n’est pas un simple jalon historique, mais le point de départ d’un processus qui s’est structuré autour de la consolidation de l’État de droit, de la promotion des droits fondamentaux et de l’instauration progressive d’une justice sociale. Il rappelle que « 26 années de règne peuvent paraître abstraites pour certains, mais elles sont ressenties concrètement par quiconque observe avec lucidité les transformations vécues par le pays. » Et ces transformations sont multiples : économiques d’abord, à travers les projets d’infrastructure de grande envergure tels que le TGV Al Boraq, les ports stratégiques de Tanger Med, Nador et Dakhla, ou encore les usines Peugeot et Renault, qui témoignent de l’attractivité retrouvée du Maroc et de la montée en compétence de sa main-d’œuvre.
Mais au-delà du développement matériel, c’est le tournant social impulsé par le Roi qui retient l’attention du doyen. Il évoque notamment la genèse et l’évolution de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), véritable levier de lutte contre la pauvreté, ainsi que l’ambitieux projet de généralisation de la protection sociale, destiné à refonder le contrat social marocain. La réforme de la Moudawana (Code de la famille) de 2004, suivie récemment par l’appel royal à une révision de ses dispositions vingt ans après sa promulgation, est selon lui emblématique de la volonté royale d’inscrire les droits des femmes dans une dynamique de justice, d’équité et de modernité.
Sur le plan diplomatique, BOUZLAFA salue le retour stratégique du Maroc au sein de l’Union africaine en 2017, qui a marqué une inflexion majeure dans la politique étrangère du Royaume, combinée à une redéfinition du dossier du Sahara marocain, dans laquelle 46 États ont retiré leur reconnaissance de la pseudo-rasd et plusieurs consulats étrangers ont été ouverts à Laâyoune et Dakhla.
Dans une autre dimension tout aussi capitale, le professeur insiste sur l’ancrage des réformes dans le droit international des droits de l’homme. Il cite l’adhésion du Maroc à la Convention contre la torture, la transformation du Conseil consultatif des droits de l’homme en institution constitutionnelle, la réforme de la justice militaire et la consécration de l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale dès 2003, l’introduction des peines alternatives, la réforme du statut des magistrats, ou encore la justice transitionnelle incarnée par l’Instance équité et réconciliation, sont pour lui autant de preuves d’un État en mutation, porté par une vision souveraine mais profondément humaniste.
Enfin, il évoque la transition énergétique du Royaume, avec les projets phares Noor I et Noor II, qui ont permis au Maroc de produire plus de 52 % de son énergie à partir de sources renouvelables, et le mégaprojet du gazoduc Maroc-Nigeria, porteur d’une nouvelle architecture énergétique et géopolitique en Afrique.
À travers cette intervention magistrale, le professeur BOUZLAFA a ainsi offert une lecture savante et documentée du règne de Mohammed VI, éclairant la cohérence d’un projet de société fondé sur l’équilibre entre continuité monarchique et réformes audacieuses. Son propos, à la fois lucide et engagé, confère à cette rencontre scientifique une portée qui dépasse le cadre commémoratif pour s’inscrire dans le débat intellectuel sur le devenir du Maroc contemporain.