La nouvelle carte de la jeunesse : quand l’école marocaine mise sur le sport pour réinventer sa mission
Hicham TOUATI
Dans les cours d’école du royaume, le ballon roule de nouveau avec ambition. À la lumière de la circulaire ministérielle n°25-097, émise le 6 octobre 2025 par le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports, c’est une école renouvelée qui se dessine, où la pratique sportive ne constitue plus une simple activité de délassement mais devient un levier central dans la construction de l’élève marocain de demain. Ce document, dense et fondamental, redonne au sport scolaire ses lettres de noblesse et trace une ligne politique claire : l’éducation physique est désormais pensée comme un pilier de l’école publique de qualité, à la croisée des enjeux éducatifs, sociaux, culturels et citoyens.
Le Maroc choisit donc de faire du terrain de sport un prolongement de la salle de classe. Non par effet de mode, mais par conviction que l’équilibre du corps est indissociable de celui de l’esprit. Car au cœur de cette stratégie ministérielle s’érige une vision humaniste où chaque élève, qu’il soit en milieu rural ou urbain, fille ou garçon, en situation de handicap ou non, doit pouvoir bénéficier d’une offre sportive encadrée, accessible, diversifiée et inclusive. Une offre qui, au-delà du simple exercice physique, devient vecteur de santé mentale, d’épanouissement personnel, de cohésion sociale et de prévention contre le décrochage scolaire et les dérives comportementales.
Ce programme annuel, véritable architecture du sport scolaire pour l’année 2025-2026, prend racine dans des principes profondément contemporains. Il célèbre la justice territoriale en veillant à ce que chaque académie, chaque région, puisse organiser et vivre ses propres championnats. Il érige la mixité et l’inclusion en standards, organise des compétitions mixtes, prévoit des rencontres pour élèves en situation de handicap, et redonne au sport son rôle d’espace de vivre-ensemble. Le sport devient ainsi un laboratoire de citoyenneté, une école dans l’école, où se tissent les valeurs d’égalité, de respect et d’engagement.
Mais l’ambition du texte ne s’arrête pas là. La circulaire inscrit la pratique sportive dans une trame culturelle et environnementale. Elle invite les établissements à concevoir des projets intégrés, mêlant tournois et journées thématiques, actions de sensibilisation écologique et découvertes du patrimoine local. Ainsi, chaque championnat scolaire devient une scène ouverte où s’expriment autant les talents physiques que les aspirations culturelles des élèves, où la victoire ne se mesure pas uniquement en médailles, mais aussi en expériences partagées, en découvertes humaines et en éveil collectif.
Il est également remarquable de constater le souci porté à la reconnaissance du mérite. L’élève sportif, longtemps dans l’ombre du bon élève académique, retrouve ici une légitimité nouvelle. Le « champion scolaire » se voit honoré, accompagné, valorisé, non seulement pour ses performances, mais aussi pour sa discipline, son esprit d’équipe, sa persévérance. L’école devient dès lors un lieu où la réussite se conjugue au pluriel, où chaque talent trouve sa place.
Dans cette dynamique, la circulaire n’oublie pas l’exigence structurelle. Elle insiste sur la nécessité de généraliser les associations sportives scolaires dans tous les établissements, y compris primaires et privés, et de garantir des créneaux horaires fixes dans les emplois du temps. Elle appelle à une mobilisation concrète des ressources humaines, à une implication des corps enseignants, à un encadrement qualifié, ainsi qu’à la formation continue des éducateurs et arbitres. Même la logistique n’est pas laissée au hasard : sécurité sanitaire, transport, équipements, infrastructures, tout est scruté pour assurer une pratique sereine et efficace.
À travers ce texte fondateur, l’administration éducative marocaine fait donc le pari de la cohérence. Elle articule les projets sportifs avec les grands chantiers éducatifs nationaux : l’école de la deuxième chance, les parcours « sport-études », les internats, les collèges d’excellence, ou encore les projets de transformation numérique via la plateforme « Massar ». Le sport devient un fil rouge transversal, liant les territoires, les disciplines, les ambitions individuelles et les politiques publiques.
Loin d’un exercice bureaucratique, cette circulaire ministérielle résonne comme une déclaration d’intention forte. Elle raconte un pays qui croit en sa jeunesse, qui refuse les logiques d’exclusion ou de marginalité, et qui parie sur l’énergie, le mouvement, l’effort collectif pour bâtir une société plus équitable et plus résiliente. Elle nous rappelle que sur un terrain de sport, les différences s’effacent, les langues se taisent, et seul l’engagement compte. C’est peut-être là que naît le vrai citoyen.
En investissant ainsi dans le sport scolaire, le Maroc ne se contente pas de préparer des champions. Il éduque à la rigueur, à la solidarité, à la paix. Il forge des esprits libres dans des corps en mouvement. Et dans une époque en quête de repères, cela relève presque d’un acte de résistance.